Dans nos correspondances professionnelles et personnelles le cordialement machinal a été remplacé par un « prenez soin de vous » que l’on devine sincère… et cordial. Ce détail manifeste et symbolise que la crise sanitaire s’accompagne du retour en force de la notion de care.
Cette notion n’est pas nouvelle puisque depuis quelques années déjà, on commençait, ici où là, à considérer qu’une approche managériale inspirée du care serait bénéfique aux organisations. Joan Tronto, féministe américaine à qui l’on doit en partie le regain d’intérêt pour cette notion grâce à son livre « un monde vulnérable », pour une politique du care, le définissait en ces termes : « Une activité générique qui comprend tout ce que nous faisons pour maintenir, perpétuer et réparer notre monde de sorte que nous puissions y vivre aussi bien que possible » .
En français on traduit le care par le soin, la sollicitude ou l’attention selon le contexte.

Chez Opta-s nous privilégions le terme attentionné car il s’applique bien au management et évite le mélange des genres. En effet, le care concerne notamment les professions du soin auxquelles on ne peut assimiler de façon indifférenciée tout ce qui se rattache et s’y rattache. En outre, utiliser un terme français fait honneur à notre langue.
C’est là d’ailleurs un juste retour des choses, puisque le management attentionné est un retour aux sources, du temps où management était un dérivé de ménagement. Il faut remonter au XVIIIème siècle en Angleterre pour retrouver le terme de management dans des manuels consacrés à la gestion domestique. Le management signifiait alors le fait de gérer avec soin et attention des réalités hétérogènes telles que la nourriture, les animaux et les personnes dépendantes. Le terme ne s’appliquait pas aux adultes et aux travailleurs pour lesquels on préférait employer d’autres termes tels que overlooking ou handling (administration, supervision ou conduite). Au XVIIIème siècle, le manager est la ménagère !
C’est en 1830 que le terme management commence à être employé pour signifier la gestion des ouvriers au sein de compagnies ferroviaires aux États-Unis, de telle sorte qu’à la fin du XIXème siècle le terme revêt une signification très différente selon qu’il est utilisé aux États-Unis ou en Angleterre. On peut noter au passage que progressivement la notion de soin s’est effacée au profit de celle de contrôle.
C’est donc sur ce sens de management que se sont appuyés le fordisme et le taylorisme lorsqu’ils ont été conceptualisé et mis en œuvre au tout début du XXème. Depuis lors, le management peine à sortir de cette ornière malgré les essais réitérés pour rappeler la dimension spécifiquement humaine et humaniste que doit revêtir la fonction managériale.

Et si cette crise sanitaire était l’occasion de réinterroger les fonctions managériales,  pour que chacun puisse “ vivre aussi bien que possible ” dans notre monde  et  nos organisations ?

Bibliographie
1. Joan Tronto, Un monde vulnérable. Pour une politique du « care », La Découverte, coll. « textes à l’appui », 2009, 238 p.
2. Thibault le Texier, le maniement des hommes, essai sur la rationalité managériale, Éditions de la découverte, Paris, 2016

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